
Bonjour à toutes et à tous,
Alors que l’année s’achève et que les fêtes de fin d’année approchent, nous sommes heureux de vous retrouver pour ce dernier numéro, consacré à l’actualité sociale et des affaires. Décembre est souvent un temps de bilan, mais aussi d’anticipation : l’occasion de faire le point sur des décisions récentes qui appellent une vigilance accrue dans l’organisation du travail, la sécurisation des procédures internes et la gestion des risques.
Ce mois-ci, la jurisprudence apporte des éclairages très concrets sur la conduite des enquêtes internes (et leur articulation avec le RGPD), sur le droit d’alerte “atteinte aux droits des personnes”, mais aussi sur des sujets plus stratégiques pour les directions juridiques, notamment la structuration des contrats de travail internationaux. Côté affaires, deux décisions retiennent l’attention : l’une sur l’intérêt social et le contrôle des décisions du conseil d’administration, l’autre sur la non-concurrence en cas de cession de droits sociaux impliquant un salarié.
Nous vous souhaitons de très belles fêtes de fin d’année et vous laissons découvrir les arrêts marquants de ce mois.
Voici les principaux sujets abordés :
DROIT SOCIAL
DROIT DES AFFAIRES
Nous espérons que cette lecture vous permettra d’anticiper les évolutions légales et de sécuriser vos pratiques internes.
Bonne lecture ! ✨

Le saviez-vous ?
Le fait de conduire une enquête interne (harcèlement, discrimination, manquements professionnels) n’autorise pas l’employeur à écarter, par principe, les droits issus du RGPD. Même lorsqu’un salarié est mis en cause, il conserve un droit d’accès à ses données personnelles traitées dans ce cadre.
Ce que cela signifie :
Dans une décision du 1er décembre 2025, le Conseil d’État précise l’articulation entre la conduite des enquêtes internes et la protection des données personnelles.
Contrairement à l’argument souvent invoqué par les employeurs, le traitement des données collectées dans le cadre d’une enquête interne ne repose pas sur une obligation légale, mais sur l’intérêt légitime de l’entreprise.
Cette qualification emporte des conséquences importantes :
Le Conseil d’État rappelle toutefois une distinction essentielle : le droit d’accès porte sur les données personnelles, et non sur la communication automatique du rapport d’enquête dans son intégralité.
L’employeur peut – et doit – occulter les informations portant atteinte aux droits et libertés d’autres salariés (témoins, victimes présumées), tout en veillant à permettre un exercice effectif des droits du salarié concerné.
Cette position ne remet pas en cause la jurisprudence sociale relative à la loyauté de la preuve :
le salarié mis en cause n’a pas à se voir communiquer les éléments de preuve lors de l’entretien préalable. Ces éléments ne deviennent accessibles qu’en cas de contentieux prud’homal.
Conseil Cassius
La sécurisation d’une enquête interne passe désormais par une anticipation des demandes RGPD. Définir en amont les données collectées, tracer leur finalité, organiser les modalités d’occultation et articuler enquête disciplinaire et protection des données permet de limiter les risques de contestation, tant devant la CNIL que devant le juge.
Source : Conseil d’État, 1er décembre 2025, n° 498023
Contactez-nous pour une consultation
Le saviez-vous ?
Dans un contexte international, la loi applicable au contrat de travail peut résulter d’un choix exprès des parties, y compris lorsque les contrats n’ont pas été formellement signés. La relation de travail effective peut suffire à caractériser ce choix.

Les faits :
Dans un arrêt du 5 novembre 2025, la Cour de cassation rappelle les principes issus du règlement Rome I : les parties à un contrat de travail peuvent choisir la loi applicable à tout ou partie de leur relation contractuelle, à condition que ce choix soit clair et non équivoque.
En l’espèce, un salarié de nationalité italienne, employé par une société française et affecté en Belgique, se voyait appliquer deux contrats distincts :
Bien que ces contrats n’aient pas été signés par le salarié, la Cour de cassation valide l’application du droit français au contrat « international », en relevant plusieurs éléments déterminants :
La Haute juridiction confirme ainsi que l’absence de signature n’exclut pas, à elle seule, la validité du choix de loi, dès lors que la volonté des parties ressort clairement des circonstances.
Conseils Cassius :
Dans les situations transnationales, la cohérence documentaire est essentielle.
Clauses de choix de loi, bulletins de paie, organisation de la rémunération et affectation du salarié doivent traduire une volonté claire et alignée. À défaut, l’employeur s’expose à une remise en cause globale du cadre juridique applicable à la relation de travail.
Source : Cass. soc., 5 novembre 2025, n° 23-10.637

Le saviez-vous ?
Le droit d’alerte “atteinte aux droits des personnes”, exercé par un membre du CSE, constitue un levier contentieux puissant. Son déclenchement impose à l’employeur des obligations immédiates et peut se cumuler avec d’autres actions (prud’homales ou syndicales).
Ce que cela signifie :
Dans un arrêt du 3 décembre 2025, la Cour de cassation clarifie de manière structurante le régime du droit d’alerte prévu à l’article L.2312-59 du Code du travail.
La Haute juridiction rappelle et précise plusieurs points clés :
En cas de carence de l’employeur ou de désaccord sur la réalité des faits, le juge, saisi selon la procédure accélérée au fond, peut ordonner toute mesure propre à faire cesser l’atteinte, y compris sous astreinte.
Conseil Cassius :
Dès réception d’une alerte, la réaction de l’employeur est déterminante. Il convient de qualifier précisément les faits dénoncés, d’ouvrir sans délai une enquête sérieuse et documentée avec l’élu concerné, et de traiter distinctement les sujets relevant des droits des personnes et ceux tenant au fonctionnement des institutions représentatives. Une gestion rigoureuse en amont permet souvent d’éviter une judiciarisation rapide et coûteuse.
Source : Cass. soc., 3 décembre 2025, n° 24-10.326
Le saviez-vous ?
Une décision du conseil d’administration peut être annulée pour abus de pouvoirs si elle est à la fois contraire à l’intérêt social et prise dans l’intérêt exclusif des administrateurs ou d’un actionnaire déterminé.
Mais cette démonstration est exigeante et s’apprécie au jour où la décision est prise.

Ce que cela signifie :
Dans un arrêt du 26 novembre 2025, la Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles une décision du conseil d’administration d’une société anonyme peut être remise en cause sur le fondement de l’article 1833 du Code civil.
En l’espèce, une société exploitait un casino dans le cadre d’une délégation de service public. À l’approche de son renouvellement, le conseil d’administration a autorisé un montage visant à protéger un immeuble stratégique contre le risque de qualification en bien de retour au profit de la collectivité concédante.
Ce montage bénéficiait indirectement à l’actionnaire majoritaire, via une société qu’il contrôlait. Des actionnaires minoritaires ont sollicité l’annulation des délibérations, invoquant un abus de majorité.
La Cour de cassation rejette leur demande, en rappelant que :
La Cour retient que la décision litigieuse visait avant tout à préserver un actif immobilier majeur, et que l’avantage consenti à l’actionnaire majoritaire ne contredisait pas l’intérêt social, compte tenu du risque encouru.
Conseils Cassius :
Face à des situations complexes ou incertaines, la traçabilité de la décision est essentielle. Identifier clairement les risques, documenter les alternatives envisagées et expliciter la logique de protection de l’intérêt social constituent des éléments déterminants pour sécuriser les décisions du conseil et limiter les risques de contestation par les actionnaires.
Source : Cass. com., 26 novembre 2025, n° 23-23.363

Le saviez-vous ?
Lorsqu’un associé est également salarié au moment où il s’engage à ne pas concurrencer la société, la validité de la clause de non-concurrence est subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière réelle. Cette exigence ne disparaît pas au motif que la clause serait insérée dans un pacte d’associés ou liée à une cession de titres.
Ce que cela signifie :
Dans un arrêt du 5 novembre 2025, la Cour de cassation rappelle avec fermeté une règle souvent sous-estimée dans les opérations de cession impliquant des salariés-associés.
En l’espèce, un salarié devenu associé avait signé un pacte d’associés contenant une clause de non-concurrence applicable en cas de départ.
Lors de sa démission et de la cession de ses parts, la société lui reproche d’avoir violé cette clause et réclame la pénalité prévue. Le cédant soutient alors que la clause est nulle, faute de contrepartie financière.
La cour d’appel avait rejeté cet argument, considérant que la contrepartie était « incluse » dans le prix de cession des parts, tel qu’accepté par l’intéressé. La Cour de cassation censure ce raisonnement : elle rappelle que, lorsque le cédant avait la qualité de salarié au moment de son engagement, le juge doit vérifier l’existence d’une contrepartie financière réelle, identifiable et distincte.
Le simple fait que le prix de cession englobe prétendument cette contrepartie ne suffit pas, à lui seul, à satisfaire à cette exigence.
Le conseil Cassius
Dans les opérations impliquant des salariés-associés, la rédaction des pactes et actes de cession appelle une vigilance particulière.
Identifier clairement la contrepartie de la non-concurrence : son montant, son mode de calcul et son autonomie par rapport au prix de cession… permet de sécuriser la clause et d’éviter une remise en cause ultérieure aux conséquences potentiellement lourdes.
Source : Cass. com., 5 novembre 2025, n° 23-16.431