Les salariés exposés au Covid-19 dans le cadre de leur travail peuvent-ils déclarer un accident du travail en cas d’apparition des symptômes liés à une contamination au virus ? Comment réagir si un salarié considère que sa contamination au Covid-19 est liée à son travail ? La contamination au Covid-19 peut-elle à terme être reconnue en tant que maladie professionnelle ? C’est à ces questions pratiques que répond cet article en prenant en compte les dernières annonces des membres du gouvernement mais également de l’Académie de médecine. Vous l’aurez compris, un éclairage s’impose !
Les critères de reconnaissance d’un accident du travail limitent-ils les cas de prise en charge d’une infection au Covid-19 ?
Selon l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, toute affection qui survient au temps et lieu de travail est présumée imputable au travail.
Mais attention, cette présomption d’imputabilité suppose la réunion de 3 conditions :
- il faut un fait accidentel qui survienne soudainement ou à une date certaine (le salarié est capable de donner la date de l’évènement à l’origine de l’apparition de sa lésion) ;
- il faut une lésion de l’organisme ;
- il faut un lien de causalité entre la lésion et le travail.
On comprend dès lors aisément que cette présomption d’imputabilité sera difficilement applicable à un salarié qui souhaite déclarer un accident du travail après que sa contamination au Covid-19 ait été médicalement constatée et qui considère avoir été infecté dans le cadre de son travail.
En effet, la contamination au Covid-19 étant multifactorielle, le salarié peut avoir été contaminé en faisant par exemple ses courses ou en empruntant les transports pour venir travailler. La première condition fera dès lors particulièrement défaut car comment établir avec certitude la date précise de la contamination au Covid-19, alors qu’elle peut intervenir à tout moment au cours d’acte relevant de la vie privée du salarié.
C’est cette difficulté de la preuve de la contamination au Covid-19 du salarié au temps et lieu de travail, à une date déterminée qui limitera considérablement la prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, des symptômes liés au Covid-19, et par voie de conséquence l’imputabilité de cette contamination au travail.
Sans compter que la période d’incubation avant l’apparition des premiers symptômes variant d’une personne à une autre, comment être certain de la date à laquelle la contamination a pu se produire.
Par conséquent, il appartiendra au salarié de prouver l’évènement précis, le fait déterminé, la date précise de sa contamination au Covid-19 à l’origine de l’apparition des symptômes médicalement constatés.
En tout état de cause, l’employeur a l’obligation de déclarer un accident du travail dans les 48 heures de sa connaissance (article R. 441-3 du code de la sécurité sociale). Il n’aura donc pas d’autres choix que de procéder à la rédaction d’une déclaration d’accident du travail si un salarié lui déclare avoir été contaminé au Covid-19 dans le cadre de son travail et demande à ce qu’une déclaration en ce sens soit actée. A charge pour l’employeur de remplir correctement la déclaration d’accident du travail en reprenant les déclarations du salarié, tout en portant une attention toute particulière à la date et à l’heure de la possible contamination au Covid-19 indiquée par le salarié, et aux circonstances qui l’ont amené à être contaminé au Covid-19.
Il sera toutefois conseillé de joindre à l’envoi de la déclaration d’accident du travail une lettre de réserves précisant les tâches du salarié et le fait que la contamination étant par nature multifactorielle, il est impossible de considérer que l’infection au Covid-19 est strictement imputable au travail. De même, des explications sur les mesures barrières et gestes de distanciation sociale mises en place pour éviter les risques de contamination au Covid-19.
Mais quelle sera l’attitude de la Caisse primaire d’assurance maladie à réception d’une déclaration d’accident du travail établie dans le cadre d’une contamination au Covid-19 et d’un certificat médical initial constatant cette contamination ?
Il y a fort à parier que la Caisse primaire d’assurance maladie procèdera à l’instruction du dossier pour déterminer le lien de causalité entre le travail et la contamination au Covid-19, et se heurtera dans la plupart des cas à l’impossibilité de prendre en charge cette contamination faute de déterminer le fait précis à l’origine de la contamination du salarié, et le lien de causalité entre l’apparition des symptômes liés au Covid-19 et le travail.
La contamination au Covid-19 peut-elle être prise en charge au titre d’une maladie professionnelle ?
A la différence d’un accident du travail, la maladie professionnelle induit nécessairement une exposition lente et progressive à un risque de développer une pathologie dans le cadre d’une activité professionnelle.
Les personnes exposées au risque d’être contaminées au Covid-19 dans le cadre de leur travail pourrait donc, dans l’absolu, déclarer une maladie professionnelle.
Toutefois, là encore, les conditions de prise en charge d’une maladie professionnelle prévues par le Code de la sécurité sociale ont de fortes chances de limiter la prise en charge d’une contamination liée au Covid-19 au titre de la législation sur le risque professionnel.
En effet, pour que le caractère professionnel d’une pathologie puisse être pris en charge au titre de la législation professionnelle, 3 conditions cumulatives doivent être réunies (article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale) :
- la pathologie doit être désignée dans un des tableaux de maladie professionnelle annexés au Code de la sécurité sociale ;
- la maladie professionnelle doit être déclarée dans un certain délai (conditions tenant au délai de prise en charge) ;
- le salarié doit être exposé au risque de développer la pathologie en effectuant les travaux listés au tableau.
Si ces trois conditions sont réunies, le salarié n’a pas à prouver l’origine professionnelle de la pathologie puisqu’elle est présumée imputable au travail.
Mais qu’en est-il si une des conditions fait défaut ?
Dans ce cas, la Caisse primaire d’assurance maladie peut saisir le Comité régionale de reconnaissance des maladies professionnelles afin qu’il puisse donner son avis sur l’origine professionnelle de la pathologie déclarée après avoir procédé à l’étude du dossier du salarié (qui comprend normalement le rapport de l’employeur sur les gestes et postures effectués par le salarié dans le cadre de son travail, l’avis du médecin du travail, les constatations de la CPAM, les déclarations et éventuelles pièces transmises par le salarié, etc.). Mais attention, cette saisine du Comité ne sera possible que si la pathologie entraîne le décès du salarié ou si les séquelles qu’il conserve à cause de cette pathologie peuvent être évaluées à un taux d’incapacité permanente partielle d’au moins 25 %.
Le Covid-19 n’étant pas répertorié dans un des tableaux de maladie professionnelle, c’est bien ce système complémentaire qui sera mis en œuvre par la CPAM pour instruire les maladies professionnelles déclarées par les salariés contaminés par le virus mas à la condition qu’ils en gardent des séquelles pouvant être évalués à un taux d’incapacité permanente partielle d’au moins 25 % ou dans le pire des cas en soit décédé ce qui t complique d’autant les chances de voir reconnaître cette contamination au titre des risques professionnelles.
Sans compter qu’il conviendra de prouver que le salarié a bien été exposé au risque d’être contaminé par la Covid-19 exclusivement dans le cadre de son travail (ce qui est plus que compliqué puisque rappelons-le la contamination peut être multifactorielle).
Conscient de ces difficultés, le gouvernement a assuré récemment que les soignants contaminés par le Covid-19 bénéficieront « systématiquement et automatiquement » d’une reconnaissance de leur contamination en maladie professionnelle sans donner plus de précisions sur les modalités pratiques d’une telle reconnaissance.
L’Académie nationale de médecine a également recommandé, le 3 avril 2020, une prise en charge des maladies professionnelles déclarées au titre d’une contamination au Covid-19 pour les « professionnels de santé » et les « personnels travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays (…) qui ont subi des conséquences graves du fait du Covid-19 ».
Même le Ministre de l’intérieur a indiqué, le 9 avril 2020, que les cas de contamination au Covid-19 des fonctionnaires rattachés à son ministère seront reconnus comme maladie professionnelle.
Mais qu’en est-il des salariés relevant du secteur privé ? Pour l’instant aucune déclaration n’a été faite mais nul doute que des éclairages seront apportés dans les prochains jours par le gouvernement tant l’exposition de certains salariés au risque d’être contaminé au Covid-19 dans le cadre de leur activité professionnelle est forte.
D’autres pistes sont également à explorer. De nombreuses voix s’élèvent pour demander la création d’un fond d’indemnisation spécifique, comme cela a pu être le cas pour les salariés exposés à l’amiante, afin de permettre une meilleure indemnisation des salariés contaminés par le Covid-19 dans le cadre de leur activité professionnelle.
En tout état de cause, n’hésitez pas à contacter un avocat en droit du travail si vous êtes confrontés à cette problématique.