Pour licencier un salarié, l’employeur doit nécessairement invoquer une « cause réelle et sérieuse » de licenciement[1], c’est-à-dire un motif valable. En cas de litige, le juge vérifiera si le motif du licenciement est valable ou non : les faits en cause sont-ils vérifiables, existent-ils ? La mesure de licenciement est-elle proportionnée ? Dans certains cas, la loi ou la jurisprudence considère « d’office » que tel motif ne constitue pas une « cause réelle et sérieuse » et tout licenciement prononcé sur un tel fondement est un licenciement interdit. Il faut donc faire preuve de vigilance.
En France, le principe d’interdiction des discriminations[2] est prévu par le Code pénal[3] et par le Code du travail[4] : l’employeur ne peut donc licencier un salarié pour un motif discriminatoire, au risque de se voir condamné tant sur le plan civil (réparation du préjudice subi par le salarié) que pénal (peines d’amende et de prison[5]).
La loi dresse une liste complète des critères discriminatoires (origine, sexe, âge, opinions politiques, handicap, etc.). Ainsi, tout licenciement fondé directement ou indirectement sur l’un de ces critères est strictement interdit.
Le salarié étant avant tout un homme et un citoyen, il dispose d’un certain nombre de droits et de libertés fondamentales qu’il conserve même lorsqu’il travaille !
Ainsi, l’employeur ne peut licencier un salarié parce qu’il aurait notamment exercé, dans des conditions normales :
Dans l’entreprise comme en dehors de celle-ci, tout travailleur a droit au respect de sa vie privée : il s’agit d’un droit fondamental protégé par le droit français[12] et le droit européen[13].
En conséquence, les éléments de la vie extra-professionnelle du salarié ne peuvent pas, en principe, être pris en compte par l'employeur pour justifier un licenciement. Par exemple, il a déjà été jugé[14] qu’un salarié qui s’était fait adresser une revue libertine au travail ne pouvait pas être licencié pour ce seul motif !
Néanmoins, ce principe n’est pas absolu et comporte un certain nombre d’exceptions en vertu desquelles l’employeur peut procéder au licenciement d’un salarié pour un fait relevant de sa vie personnelle.
Sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat de travail, il est formellement interdit à l'employeur de rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté[15].
Cette protection contre le licenciement s’applique également pendant les 10 semaines suivant :
Les jeunes parents bénéficient de cette même protection en cas de congé d’adoption[17].
Le salarié ne peut en aucun cas faire l’objet d’un licenciement pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral [18] ou de harcèlement sexuel[19].
Aucun salarié ne peut être licencié pour avoir, de bonne foi, témoigné ou relaté :
Attention ! La protection du salarié contre le licenciement est parfois soumise au respect d’une procédure spécifique, en particulier pour les « lanceurs d’alerte ». Avant de se lancer, il est opportun pour le salarié de solliciter le conseil d’un avocat pour sécuriser sa démarche.
Les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle[25] bénéficient d’une protection particulière de leur emploi[26] : leur contrat de travail est dit « suspendu » pendant toute la durée de l'arrêt de travail.
Pendant cette période de suspension, l'employeur ne peut licencier le salarié que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. Cette seconde possibilité peut s’avérer périlleuse car elle est rarement acceptée par les juges (par exemple, l’existence d’une cause économique de licenciement ne suffit pas[27]).
Tout salarié s’estimant victime d’un licenciement fondé sur l’un des motifs interdits peut saisir le conseil de prud’hommes.
Lorsque le juge constate que l’employeur n’a pas respecté une interdiction de licencier prévue par la loi ou la jurisprudence, il jugera le licenciement nul.
Les conséquences de la nullité du licenciement[28] dépendent du choix du salarié, qui peut :
Dans certains cas, l’employeur est même passible de poursuites pénales (par exemple, en cas de violation des interdictions relatives à la maternité ou à la paternité[29]).
Enfin, il se peut que dans le cadre d’un contentieux relatif à la cause réelle et sérieuse du licenciement, le juge relève l’illicéité d’un des motifs contenus dans la lettre de licenciement. Toutefois, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs[30]. Deux hypothèses sont alors à envisager :
Si vous êtes employeur et que vous envisagez de licencier un salarié qui est susceptible de se trouver dans l’une des situations précitées, il est prudent de solliciter le conseil d’un avocat en droit du travail du Cabinet Cassius Avocats avant d’engager toute procédure de licenciement.
[1] Cf. fiches « Licenciement personnel : quelle est la procédure ? » et « Licenciement pour motif économique : quelle est la procédure ? »
[2] Cf. fiche « Qu’est-ce qu’une discrimination et quelles sont les personnes protégées ? »
[3]Article 225-1 du Code pénal[4]Article L. 1132-1 du Code du travail
[5]Article 225-2 du Code pénal[6]Article L. 1132-2 du Code du travail
[7]Article L. 4131-3 du Code du travail[8]Cass. soc., 29 novembre 2006, n° 04-48.012
[9]Cass. soc., 16 mars 2016, n° 14-23.589
[10]Article L. 1144-3 du Code du travail
[11]Cass. soc., 28 avril 2011, n° 10-30.107[12]Article 9 du Code civil
[13]Article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
[14]Cass. soc., 18 mai 2007, n° 05-40.803
[15]Article L. 1225-4 du Code du travail
[16] Article L. 1225-4-1 du Code du travail
[17]Article L. 1225-38 du Code du travail
[18]Article L. 1152-2 du Code du travail ; Cf fiche pratique « Le harcèlement moral : définition, protection et sanctions »
[19]Article L. 1153-2 du Code du travail ; Cf fiche pratique « Le harcèlement sexuel : que dit la loi ?»
[20]Article L. 1132-3 du Code du travail
[21]Article L. 1132-3-3 du Code du travail
[22]Article L. 1161-1 du Code du travail
[23]Article L. 1351-1 du Code de la santé publique
[24]Article L. 634-1 du Code monétaire et financier
[25] Cf fiche pratique « Accident du travail et maladie professionnelle »
[26]Articles L. 1226-7 et suivants du Code du travail
[27]Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-15.348
[28] Cf fiche pratique « Quelles sont les indemnités dues en cas de licenciement ? »
[29]Article R. 1227-5 du Code du travail
[30]Article L. 1235-2-1 du Code du travail