La prise d'acte[1] et la résiliation judiciaire[2] sont deux modes de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié qui nécessitent de saisir le conseil de prud’hommes. Mais comment le salarié choisit-il entre ces deux modes de rupture ? Quelles sont les conséquences de ce choix pour l’employeur ?
Qu’il s’agisse de la prise d’acte ou de la résiliation judiciaire du contrat de travail, elles ont un point commun : ce sont les manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles qui sont à l’origine de la rupture.
Ce n’est pas le salarié qui décide si les manquements empêchent la poursuite du contrat. Ce sera au conseil de prud’hommes de le faire.
Le principe est simple : si le salarié écrit à son employeur pour « prendre acte » de la rupture de son contrat, il doit quitter l’entreprise sur le champ ou à l’issue de son préavis. Puis il devra saisir le conseil de prud’hommes. Cette situation met le salarié dans une situation de précarité car tant que le conseil de prud’hommes ne se sera pas prononcé, le salarié ne bénéficiera d’aucune indemnité de la part de son employeur ni d’aucune allocation chômage.
À l’inverse, le salarié qui demande la résiliation judiciaire ne verra pas rompre son contrat tant que le conseil de prud’hommes ne se sera pas prononcé. Cette situation est délicate pour le salarié car même s’il conserve son emploi et sa rémunération, tant que le juge ne s’est pas prononcé il doit faire face aux manquements de l’employeur à l’origine de son action (si ces manquements n’ont pas cessé).
Qu’elle porte sur la prise d’acte ou sur la résiliation judiciaire, les conséquences de la décision du juge sont majeures pour le salarié.
Si le salarié obtient gain de cause il percevra plusieurs indemnités (indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et indemnité compensatrice de congés payés) et pourra bénéficier des allocations chômage ;
Si le juge considère que la rupture produit les effets d’une démission, le salarié n’obtient absolument rien ni de son employeur ni de Pôle Emploi. Il peut même être condamné à payer à son employeur une indemnité pour non-exécution de son préavis.
Le risque économique est important !
Si le salarié obtient gain de cause le contrat sera rompu. Il percevra plusieurs indemnités (indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis[3], indemnité compensatrice de congés payés) et pourra bénéficier des allocations chômage ;
Si la demande du salarié est rejetée, il n’obtiendra rien. Il devra continuer à travailler pour son employeur.
Le risque économique est moindre, mais le salarié peut être alors contraint de rester dans l’entreprise !
Pour choisir entre prise d’acte et résiliation judiciaire, le salarié doit déterminer sa capacité à supporter psychologiquement la poursuite de l’exécution de son contrat pendant plusieurs mois voire plusieurs années alors même que les manquements de l’employeur peuvent éventuellement perdurer. Si le salarié ne se sent pas assez de force pour supporter la poursuite du contrat (par exemple dans un cas de harcèlement moral ou sexuel) il est préférable pour lui de prendre acte de la rupture et de saisir ensuite le conseil de prud’hommes. Cependant, la prise d’acte privant le salarié de rémunération du jour au lendemain, l’aspect économique doit également être pris en compte, dans ce cas, la demande de résiliation judiciaire pourra être privilégiée.
À noter : si le salarié prend acte de la rupture au cours de la procédure de demande de résiliation judiciaire, la rupture est immédiate et l’action devant le conseil de prud’hommes devient sans objet[4]. Logiquement, la demande de résiliation judiciaire postérieure à la prise d’acte est impossible car cette dernière rompt le contrat immédiatement.
Le choix du mode de rupture nécessite une analyse précise des manquements reprochés. Il est conseillé de consulter un avocat en droit du travail afin d’appréhender les conséquences et les chances de succès d’une prise d’acte et d’une résiliation judiciaire.
[1] Cf. fiche « Que signifie « Prendre acte de la rupture de son contrat de travail » ? »
[2] Cf. fiche « Qu’est-ce que la résiliation judiciaire du contrat de travail ? »
[3]Cass. soc. 13 mai 2015, n°13-28792
[4]Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 04-46.280