RATP, Musée du Louvre, SNCF, Air France, Keolis ou encore Transdev connaissent ces derniers temps une forte hausse du nombre de salariés annonçant l’exercice du droit de retrait face à l’épidémie de coronavirus qui s’accélère en France. A la suite des annonces du Président de la République Emmanuel MACRON, que doivent faire les salariés et les entreprises pour contenir l’épidémie de Coronavirus ? Le Covid-19 justifie-t-il le droit de retrait ? Le télétravail est-il une solution pour contenir le coronavirus ? Si un employeur refuse le télétravail en cas de coronavirus, un salarié peut-il invoquer son droit de retrait ?
Le droit de retrait, c’est quoi ?
Le droit de retrait a été prévu pour préserver la vie, la santé et la sécurité des salariés. Mais le droit de retrait n’est pas automatique. Concrètement, lorsqu’un salarié fait face à un danger grave et imminent sur son lieu de travail, il a le droit de quitter son poste de travail ou peut refuser de s’y installer, et ce, sans demander l’accord de l’employeur. Il peut donc interrompre son travail et exercer ainsi son droit de retrait jusqu’à ce que son employeur prenne les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé et la sécurité du salarié.
En général, le droit de retrait est utilisé quand l’employeur n’a pas mis d’équipement de protection à disposition des salariés ou de chauffage dans le local de travail, lorsqu’une machine, une installation ou un véhicule de travail (ou de chantier) ne respecte pas les normes de sécurité ou encore face à des risques de maladies telles que par exemple l’amiante, ou plus simplement le harcèlement au travail. Ainsi, le salarié doit se sentir potentiellement menacé par un risque d’accident, de blessure ou de maladie.
Comment doit réagir l’employeur face au droit de retrait ?
D’abord, et comme le prévoit le Code du travail (article L. 1431-1), le travailleur doit alerter immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Ce droit d’alerte s’applique en cas de coronavirus, mais encore faut-il un risque avéré (par exemple s’il a été en contact avec un collègue ou un client affecté) et non pas un risque trop hypothétique. Face à une situation de danger grave et imminent, l’employeur ne peut pas demander à un salarié de reprendre une activité qui serait exposée à un tel risque. Il doit immédiatement donner les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs d’arrêter leur travail et les mettre en sécurité en leur demandant de quitter immédiatement le lieu de travail. La santé et la sécurité des salariés face à un danger priment sur tout le reste. En tout état de cause, l’employeur devra prendre toutes les mesures pour remédier à ce danger et procéder à une enquête avec les représentants du comité social et économique. L’employeur devra informer également l’inspection du travail et le médecin du travail.
Si une entreprise applique les recommandations du gouvernement sur Coronavirus, le droit de retrait n’est-il plus légitime ?
La légitimité ou non de l’exercice d’un droit de droit ne peut pas se décréter comme cela par une autorité quelle qu’elle soit. En cas d’épidémie comme le coronavirus, tout salarié peut légitimement exercer le droit de retrait, à condition qu’il soit dans une situation de travail qui l’expose particulièrement au coronavirus ou que l’employeur ne respecte pas les règles de précaution nécessaires pour le protéger. C’est donc au cas par cas que les juges prud’homaux vont estimer si le travail du salarié l’exposait à cette épidémie (contact avec le public, les usagers, les clients, etc.) et si l’employeur a bien pris des mesures de prévention pour protéger ses salariés. C’est dans cet esprit que le gouvernement a émis une série de recommandations (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) que les entreprises doivent appliquer.Si elles le font, les conditions d’exercice du droit de retrait ne seraient pas remplies. Dans le cas contraire, ce droit serait légitime.
Les salariés du musée du Louvre ou des chauffeurs de bus ont appliqué le droit de retrait, est-ce que selon le métier, la situation est différente ?
Oui ! Certaines situations de travail et certains emplois sont plus exposés que d’autres. L’utilisation du droit de retrait est appréciée au cas par cas par le Conseil de prud’hommes. Cela peut être le cas si des chauffeurs estiment que l’employeur n’a pas pris de mesures suffisantes pour les protéger de cette épidémie notamment en imposant des contrôles des passagers ou de clients, ou encore en assurant la distribution de solutions hydroalcooliques à tous les chauffeurs ou salariés exposés au public. D’autres salariés dans d’autres secteurs (dans le transport aérien par exemple) pourraient demander à leur employeur des mesures de protections supplémentaires, telles que la distribution de gants, de masques et des lingettes désinfectantes. Au regard des préconisation faites par le gouvernement, il va de soi que tout employeur qui ne respecte pas ces préconisations s’expose à un risque de droit de retrait et, par la suite, à une action judiciaire des salariés et syndicats pour manquement à son obligation de sécurité de résultat.
Quels salariés peuvent appliquer le droit de retrait à cause du coronavirus ?
Dans la mesure où le coronavirus se transmet par les individus, tous les salariés en contact avec le public (usagers, clients, etc.), quelle que soit l’entreprise, sont susceptibles d’appliquer le droit de retrait si les deux conditions sont réunies :
- la situation de travail doit présenter un danger grave et imminent pour la santé, la vie ou la sécurité du salarié,
- et si l’employeur n’a pas pris de mesures de prévention suffisantes pour protéger le salarié.
Cela concerne aussi bien les services accueillant du public, le personnel soignant, les salariés des transports routiers ou aériens que d’autres secteurs. Dans la mesure où tous ces personnels sont exposés au risque de coronavirus, ils sont susceptibles d’exercer le droit de retrait si les conditions sont réunies.
Quelles mesures doivent prendre les entreprises face au coronavirus ?
Face au coronavirus, les entreprises doivent prendre des mesures pour rassurer les salariés, les protéger et prévenir les situations de travail à risque. Ainsi plusieurs entreprises encouragent les salariés à se mettre en télétravail ou en temps partiel, à poser des RTT ou des congés payés pour celles et ceux qui le souhaitent. L’activité des entreprises françaises en sera indéniablement ralentie mais la santé et la sécurité des salariés sera mieux protégée face à l’épidémie de Covid-19. Mais en réalité, les mesures prises par les entreprises seront proportionnées à la véracité du risque encouru par leurs salariés. Si dans une entreprise, malgré les mesures prises, un cas avéré de coronavirus a été déclaré, les mesures prises ne seront probablement pas de même ampleur que face à un risque hypothétique de coronavirus.
Le télétravail est-il une solution pour contenir le coronavirus ? Si un employeur refuse le télétravail, un salarié peut-il invoquer son droit de retrait ?
Pour endiguer l’épidémie, le Président de la République a notamment incité les entreprises à « faire travailler leurs salariés à distance quand c’est possible ». Il a ajouté que « l’État prendra en charge l’indemnisation des salariés contraints de rester chez eux ». Cette mesure devrait limiter les cas de refus d’employeur de faciliter le télétravail des salariés. Cependant, tous les salariés n’exercent pas nécessairement des fonctions propices au télétravail. Selon une étude baromètre 2019 de Malakoff Humanis, 60% des salariés d’entreprises de plus de dix salariés exerceraient des métiers qui ne permettent pas le télétravail. C’est là un véritable sujet en cette période d’épidémie. Mais le Code du travail (article L. 1222-1) prévoit que le télétravail peut être imposé en cas de « circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie ». Qui plus est, le Président de la République a annoncé que les salariés parents d’enfants de moins de 16 ans qui ne peuvent pas recourir au télétravail ont droit automatiquement à un arrêt maladie et pourront être indemnisés. La ministre du Travail a ajouté que « c’est un arrêt maladie sans qu’ils soient malades, c’est sans aller chez le médecin, il n’y a pas de délai de carence, c’est dès le premier jour qu’on est pris en charge, et c’est l’employeur qui le déclare ». Cette mesure exceptionnelle ne permet pas à un employeur de refuser le télétravail pour les salariés parents d’enfants (durant au moins 20 jours). S’il va de soi qu’un salarié ne peut pas imposer le télétravail, une entreprise qui imposerait sa présence physique à un salarié alors même que celui-ci ferai face à un danger grave et imminent sur son lieu de travail, s’exposerait à voir sa responsabilité engagée pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat, faute inexcusable ou encore mise en danger d’autrui si les conditions sont réunies.
En cette période exceptionnelle d’épidémie de coronavirus, la prudence est plus que mère de sûreté pour les entreprises et les salariés. Si vous avez le moindre doute sur les mesures à prendre, n’hésitez pas à consulter un avocat en droit du travail.