Par ordonnance du 1er avril 2020, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures d’urgence relatives aux institutions représentatives du personnel. Elles consistent principalement en la suspension des processus électoraux, la prolongation de la protection des élus et l’organisation des réunions sans présence physique des élus. Quelles sont les règles relatives aux CSE en période de Covid-19 ?
Les élections au CSE sont-elles suspendues pendant la période de Coronavirus ?
Pour les employeurs ayant entamé l’organisation des élections professionnelles, le processus électoral doit être immédiatement suspendu (Ord. 2020-389 du 1er avril 2020, art. 1). Cette suspension produit, en principe, ses effets de manière rétroactive, à compter du 12 mars 2020. Elle prendra fin trois mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire (pour l’instant, cela nous amène au 25 août 2020, sauf si l’état d’urgence était prolongé au-delà du 25 mai 2020).
Si le processus électoral a déjà donné lieu à l’accomplissement de certaines formalités entre le 12 mars 2020 et le 3 avril (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance), la suspension prend effet à compter de la date la plus tardive à laquelle l’une de ces formalités a été réalisée. Si, par exemple, l’employeur a informé les salariés de son intention d’organiser les élections le lundi 16 mars, puis a invité les syndicats à négocier le protocole d’accord préélectoral le mercredi 18 mars, la suspension prend effet le 18 mars. Si la suspension du processus électoral intervient entre le premier et le deuxième tour, cela ne remet pas en cause la régularité du premier tour, quelle que soit la durée de la suspension.
Par ailleurs, si le premier ou le second tour se sont déroulés entre le 12 mars et le 3 avril 2020, la suspension du processus électoral n’a pas d’incidence sur leur régularité.
La suspension affecte l’ensemble des délais du processus électoral :
- les délais impartis à l’employeur (ex. : organisation des élections tous les 4 ans, organisation du premier tour des élections au plus tard 90 jours après l’information du personnel, etc.) (c. trav. art. L. 2314-4, L. 2314-5, L. 2314-8 et L. 2314-29) ;
- les délais de saisine de l’autorité administrative ou du juge en cas de contestation (c. trav. art. R. 2313-1, R. 2313-2, R. 2313-4, R. 2313-5 et R. 2314-3) ;
- les délais dont dispose l’autorité administrative pour rendre une décision (c. trav. art. R. 2313-2, R. 2313-5 et R. 2314-3).
Si l’inspecteur du travail ou le DIRECCTE a été saisi après le 12 mars 2020, le délai de deux mois dont il dispose pour se prononcer commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral, à savoir à compter du 25 août 2020 (en l’état actuel de la période d’état d’urgence sanitaire).
Sont ici notamment visées les saisines pour :
- contester la décision de l’employeur sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts (c. trav. art. R. 2313-1) ;
- demander à la DIRECCTE de répartir le personnel dans les collèges électoraux et les sièges entre les différentes catégories de personnel (c. trav. art. R. 2314-3).
Si l’autorité administrative s’est prononcée après le 12 mars 2020, le délai de recours contre sa décision commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral. Les employeurs qui avaient l’obligation d’engager le processus électoral après le 2 avril, devront le faire dans les 3 mois qui suivront la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Si l’état d’urgence n’est pas prolongé au-delà du 25 mai, cela implique que les employeurs auront entre le 25 mai et le 25 août pour remplir leurs obligations (ord. art. 2).
Cela vise aussi les employeurs qui n’avaient pas encore engagé le processus électoral avant le 2 avril alors qu’ils étaient dans l’obligation de le faire.
Quels sont les effets des mesures liées au Covid-19 sur les élections partielles au CSE ?
Pour rappel, l’employeur doit, en principe, organiser des élections partielles (c. trav. art. L. 2314-10) :
- lorsqu’un collège électoral d’un CSE n’est plus représenté ou lorsque le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du CSE est réduit de moitié ou plus ;
- sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du CSE.
L’ordonnance adapte ces règles au processus de suspension et précise que lorsque le mandat des membres de la délégation du personnel du CSE expire moins de six mois après la date de fin de la suspension du processus électoral, l’employeur n’a pas à organiser d’élections partielles, que le processus électoral ait été engagé ou non avant la suspension (ord. art. 4). L’idée ici est donc de dispenser l’employeur d’organiser des élections partielles lorsque la fin de la suspension du processus électoral intervient peu de temps avant le terme des mandats en cours.
Une ordonnance du 25 mars 2020 a prévu une certaine tolérance pour le dépassement de différents délais légaux prévus pour réaliser des actes, formalités, recours, actions en justice, inscriptions, déclarations, notifications ou publication, jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (ord. 2020-306 du 25 mars 2020, art. 2, JO du 26). L’ordonnance du 1er avril relative aux IRP indique expressément que cette tolérance ne s’applique pas aux processus électoraux suspendus ou reportés (ord. art. 5). L’objectif est de ne pas cumuler la suspension du processus électoral et les mesures de prorogation des délais.
Le statut des salariés protégés est-il impacté par les mesures liées au Covid-19 ?
Les mandats des représentants élus en cours au 12 mars 2020 sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles (ord. art. 3).
Les salariés candidats, les membres élus de la délégation du personnel du CSE, titulaires ou suppléants, les représentants syndicaux au CSE continuent à bénéficier de leur statut de « salarié protégé » jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles. Ils demeurent donc protégés contre (ord. art. 3) :
- les licenciements (c. trav. art. L. 2411-5 et L. 2411-10) ;
- les ruptures des CDD (c. trav. art. L. 2412-3 et L. 2412-5) ;
- l’interruption ou le non-renouvellement d’une mission de travail temporaire (c. trav. art. L. 2413-1).
Ces ruptures ne sont donc possibles qu’avec l’autorisation de l’inspection du travail.
Faut-il favoriser le recours élargi à la visioconférence, aux conférences téléphoniques et à la messagerie instantanée en période de confinement ?
En période de confinement, toutes les mesures permettant d’éviter la proximité physique d’un groupe de personne sont à privilégier. Dans cette optique, l’ordonnance du 1er avril privilégie des mécanismes de réunion à distance pour le CSE et les autres institutions représentatives du personnel (ex. : comités de groupes) (ord. art. 6). En temps normal, en l’absence d’accord entre l’employeur et les élus du personnel, le recours à la visioconférence pour réunir le CSE et le CSE central est possible 3 fois par an (c. trav. art. L. 2315-4 et L. 2316-16).
Dans le contexte exceptionnel du confinement, l’ordonnance autorise le recours à la visioconférence pour l’ensemble des réunions du CSE et du CSE central, après que l’employeur en a informé leurs membres. Le recours à la visioconférence est autorisé dans les mêmes conditions pour l’ensemble des réunions des autres institutions représentatives du personnel. L’ordonnance précise que la limite de trois réunions par année civile prévue en temps normal ne trouve à s’appliquer qu’aux réunions organisées en dehors de la période de l’état d’urgence sanitaire.
Le recours à la conférence téléphonique est autorisé pour l’ensemble des réunions des institutions représentatives du personnel, après que l’employeur en a informé leurs membres. Un décret est nécessaire pour fixer les conditions dans lesquelles les réunions tenues en conférence téléphonique se déroulent.
Lorsqu’il est impossible d’avoir recours à la visioconférence ou à la conférence téléphonique, ou lorsqu’un accord d’entreprise le prévoit, l’ordonnance autorise le recours à la messagerie instantanée pour l’ensemble des réunions des institutions représentatives du personnel. Un décret fixera les conditions dans lesquelles les réunions tenues par messagerie instantanée se déroulent.
Les dispositions dérogatoires précitées sont uniquement applicables aux réunions convoquées pendant la période de l’état d’urgence sanitaire.
Faut-il consulter le CSE a posteriori en cas de recours aux mécanismes d’urgence en matière de durée du travail ?
En temps normal, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE est préalablement informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail. Il dispose ensuite d’un mois à compter de sa saisine pour rendre son avis (c. trav. art. L. 2312-8). Or, une ordonnance du 25 mars 2020 permet aux employeurs de déroger à certaines règles en matière de durée du travail jusqu’au 31 décembre 2020 (ord. 2020-323 du 25 mars 2020, JO du 26). Pour faciliter le recours à ces mesures d’urgence, l’ordonnance relative aux institutions représentatives du personnel prévoit, à titre d’exception, que l’employeur peut se borner dans un premier temps à informer le CSE. Le comité rend alors son avis a posteriori, dans le mois suivant l’information délivrée par l’employeur (ord. art. 7).
Cette exception au principe de consultation préalable concerne les mesures permettant à l’employeur :
- d’imposer la prise de jours de repos (jours d’aménagement du temps de travail, jours de RTT, jours octroyés dans le cadre d’une convention de forfait, droits affectés à un compte épargne-temps) ou de modifier leur date s’ils ont déjà été posés, dans la limite de 10 jours ;
- de déroger dans certains secteurs aux durées maximales de travail, dans les limites fixées par l’ordonnance du 25 mars 2020 ;
- de déroger dans certains secteurs au principe du repos dominical.
L’ordonnance n’évoque pas le mécanisme permettant à l’employeur d’imposer la prise de jours de congés payés ou de modifier leur date (dans la limite de 6 jours), dans la mesure où cette dérogation nécessite un accord collectif. Il n’y a donc pas à consulter le CSE (c. trav. art. L. 2312-14).
Ces mesures d’urgence, et d’autres à venir, bouleversent l’organisation des institutions représentatives du personnel dans les entreprises. Si vous avez le moindre doute sur les mesures à prendre, n’hésitez pas à consulter un avocat en droit du travail pour vous conseiller.