250 plans de sauvegarde de l’emploi en 2021. 56.826 contrats de sécurisation professionnelle (CSP) à la suite d’un licenciement économique en 2021. Quelles règles pour pouvoir procéder à des licenciements économiques collectifs ? Quelles sont les sanctions si ces règles ne sont pas respectées ? Devant quel juge contester un licenciement économique collectif ?
Pour y répondre, il faut d’abord distinguer les actions en justice selon qu’il existe ou non un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Toute procédure de licenciement collectif nécessite d’informer et de consulter le comité social et économique. Hormis en cas de licenciement avec plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) (voir ci-après), toute irrégularité dans cette procédure d’information-consultation peut être portée devant le tribunal judiciaire (TJ) par les représentants du personnel. Le TJ est en effet la juridiction compétente pour les litiges collectifs. Cette action peut être intentée par les représentants du personnel ou par les syndicats, notamment sur le fondement de l’intérêt collectif de la profession (C. trav. art. L. 2132-3).
L’essentiel du contentieux relatif au licenciement avec PSE est du ressort du tribunal administratif (C. trav. art. L. 1235-7-1). Il convient de rappeler que le licenciement avec PSE concerne les entreprises d’au moins 50 salariés qui envisagent de licencier au moins 10 salariés en 30 jours. Le juge judiciaire ne peut en aucun cas se prononcer sur le PSE, même au travers d’une action individuelle invoquant, par exemple, l’insuffisance des mesures de reclassement prévues par le plan (Cass. soc. 21 novembre 2018, n°17-16766). Une action en justice, intentée alors qu’un PSE a été mis en place, peut être exercée par (Instr. DGEFP/DGT 2013-13 du 19 juillet 2013) :
Le tribunal administratif est appelé à trancher tout litige relatif (C. trav. art. L. 1235-7-1) :
Ces différents points de contentieux sont obligatoirement rassemblés en une action en justice unique, qui consiste à attaquer la décision de validation ou d’homologation de la DREETS. Si l’action en justice invoque, entre autres motifs, l’insuffisance du PSE, le juge administratif examine en premier lieu ce motif de contestation pour annuler, le cas échéant, la décision de la DREETS (CE 15 mars 2017, n° 387728).
Le tribunal administratif géographiquement compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l’établissement ou les établissements concernés par les licenciements (C. justice administrative art. R. 321-10). Si l’accord collectif ou le document unilatéral n’identifie pas le ou les établissements auxquels sont rattachés les emplois à supprimer, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de l’entreprise. Il en est de même si le projet de licenciement concerne des établissements relevant de tribunaux administratifs différents (CE 24 janvier 2014, n°374163).
L’action en justice devant le tribunal administratif doit être engagée dans un délai de 2 mois (C. trav. art. L. 1235-7-1). Le point de départ de la prescription diffère en fonction de la partie qui exerce le recours. S’agissant de l’employeur, le délai de 2 mois court à compter de la décision prise par le DREETS de validation de l’accord PSE ou d’homologation du document unilatéral PSE. S’agissant des syndicats, ce délai court à compter du moment où la décision de validation ou d’homologation leur a été notifiée (en cas d’accord PSE) ou a été portée à la connaissance du personnel, par affichage ou par tout autre moyen (C. trav. art. L. 1233-57-4 ; CE 22 juillet 2015, n°383481). Pour les salariés, le délai de 2 mois court à compter du moment où la décision de validation ou d’homologation a été portée à la connaissance du personnel. Le tribunal administratif statue dans les 3 mois. En l’absence de jugement dans ce délai ou en cas d’appel, l’affaire passe devant la cour administrative d’appel, qui statue elle aussi dans les 3 mois. En dernier lieu, c’est au Conseil d’État qu’il revient de trancher le litige, dans un nouveau délai de 3 mois.
Si le juge administratif annule la décision de validation ou d’homologation en raison de l’absence ou de l’insuffisance du PSE, la procédure de licenciement est nulle (C. trav. art. L. 1235-10). Le juge doit alors ordonner la réintégration de tout salarié qui en fait la demande, sauf si cette réintégration est impossible, notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site, ou encore de l’absence d’emploi disponible (C. trav. art. L. 1235-11). L’utilisation de l’adverbe « notamment » permet aux tribunaux d’envisager d’autres situations dans lesquelles la réintégration est impossible. Les juges ont, par exemple, considéré que des salariés qui avaient commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de leur employeur ne pouvaient pas être réintégrés (Cass. soc. 25 juin 2003, n°01-46479). La décision d’annulation rend par ailleurs illégale les autorisations de licenciement qui auraient été accordées pour des salariés protégés (CE 19 juillet 2017, n° 391849). Si la réintégration est impossible ou n’a pas été demandée, le salarié a droit à une indemnité au moins égale aux salaires des 6 derniers mois, celle-ci réparant l’intégralité du préjudice subi (Cass. soc. 14 septembre 2017, n° 16-11563). L’employeur doit en outre rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à l’intéressé, dans la limite de 6 mois d’allocations (C. trav. art. L. 1235-4). Par exception, les salariés qui ont moins de 2 ans d’ancienneté ne peuvent pas demander leur réintégration. Ils ont droit à une indemnisation calculée en fonction du préjudice subi, sans que le montant plancher de 6 mois de salaire s’applique (C. trav. Art. L. 1235-14). L’employeur n’a pas à rembourser les indemnités de chômage (C. trav. art. L. 1235-5).
Si le juge annule la décision de validation ou d’homologation de la DREETS pour un autre motif que l’insuffisance du PSE, l’indemnisation prend le pas sur la réintégration (C. trav. art. L. 1235-16). En pratique, cette hypothèse vise les annulations fondées sur une irrégularité dans la procédure d’information et de consultation du CSE (informations insuffisantes, défaut de réponse à certaines questions des élus, etc.). En règle générale, de telles irrégularités n’entraînent pas, en elles-mêmes, l’annulation de la décision de validation ou d’homologation : il n’y aura annulation que si ces irrégularités ont empêché le CSE de formuler ses avis en toute connaissance de cause (CE 23 mars 2016, n° 389158). La réintégration du salarié n’est possible qu’avec l’accord de l’employeur. À défaut de réintégration, le juge accorde au salarié, quelle que soit son ancienneté, une indemnité au moins égale aux salaires des 6 derniers mois. S’agissant des salariés protégés, la décision d’annulation rend illégale les autorisations de licenciement accordées par l’inspection du travail (CE 19 juillet 2017, n° 391849).
En cas d’annulation de la décision de validation ou d’homologation exclusivement pour insuffisance de motivation, cette annulation n’a aucun effet si la DREETS prend une nouvelle décision, cette fois suffisamment motivée, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à l’administration. L’employeur doit porter la nouvelle décision de la DREETS à la connaissance des salariés, par tout moyen permettant de donner une date certaine à cette information (C. trav. art. L. 1235-16). Si cette procédure est respectée, les licenciements qui ont pu être notifiés à la suite de la première décision restent valables et les salariés concernés ne peuvent réclamer ni indemnité ni réintégration. Par ailleurs, les autorisations de licenciement délivrées pour des salariés protégés demeurent valables (CE 19 juillet 2017, n° 391849).
Le CSE et les syndicats peuvent agir en nullité des licenciements lorsque l’employeur a notifié aux salariés la rupture de leur contrat de travail sans passer par la DREETS ou malgré un refus de validation ou d’homologation (C. trav. art. L. 1235-10). Il faut alors saisir le TJ. En effet, le tribunal administratif n’est pas compétent, dans la mesure où le litige ne porte pas sur la décision de validation ou d’homologation prise par le DREETS, mais sur la décision de licenciement prise par l’employeur. Le délai de prescription est de 12 mois (C. trav. art. L. 1471-1).Les conséquences sont les mêmes qu’en cas d’annulation de la décision de la DREETS en raison de l’insuffisance du PSE (voir ci-avant) : les salariés doivent être réintégrés ; si la réintégration est impossible, ils ont droit à une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois et l’employeur doit rembourser les allocations de chômage (C. trav. art. L. 1235-4).
Le CSE et les syndicats peuvent agir en justice pour contraindre l’employeur à respecter les engagements pris dans le PSE.
La contestation ou la mise en œuvre d’un licenciement collectif pour motif économique est complexe. Si vous avez le moindre doute, n’hésitez pas à consulter un avocat droit du travail pour vous assister.